
Le tout puissant Michel-Ange
Il est la star incontestée de la Renaissance italienne, encore aujourd’hui des millions de personnes se déplacent uniquement pour voir ses œuvres à Rome bien sûr mais aussi à Florence.
Tourmenté, hautain, insolent, obsédé par l’argent et solitaire, Michel-Ange va bouleverser le statut de l’artiste. Il se considère comme l’égal de ses mécènes, n’acceptant aucune obligation dans ses commandes. Son génie réside là, dans son incroyable liberté d’invention. Il refuse de réinterpréter une œuvre, il écarte les traditions iconographiques. Rapidement, il va s’intéresser à l’anatomie pour mieux représenter le corps, ainsi ses œuvres musculeuses sont reconnaissables entre toutes.
Il stupéfie son monde à l’âge de 23 ans avec son premier chef d’œuvre, la Pietà (1), installée aujourd’hui à l’entrée de la basilique St Pierre de Rome. Déjà, aucun sculpteur ne pourra égaler cette œuvre pleine d’émotion, une réussite tant sur le plan artistique que symbolique. On trouve là une jeune femme au visage figé par le chagrin, loin des Pietà de cette époque où le visage de la Vierge est déformé par la douleur. Ici, elle impose la méditation avec ce visage digne avec une attitude maternelle.
Cette passion pour le marbre, matière noble d’une extrême dureté, va se confirmer avec la réalisation du David de Florence (5). L’histoire de ce morceau de marbre abandonné depuis 40 ans au Duomo, trop gros, trop capricieux, impossible à travailler. Michel Ange affirme qu’il en fera quelque chose sans rien ajouter, la statue sera d’un seul tenant.
Là encore, il va proposer quelque chose de complétement différent par la taille (5m), l’adolescent devient géant, le fragile devient athlétique et naît alors la Terribilità, un regard terrible rempli de colère que l’on retrouvera plus tard dans le Moïse de Rome. Il est le symbole de la République renaissante de Florence, un hymne à la jeunesse, à l’énergie et au désir de vaincre. Il offre au marbre une anatomie parfaite, d’une précision exceptionnelle, chaque muscle, chaque tendon, chaque veine est à sa place.
Michel-Ange accepte alors toutes les commandes des puissants de la Renaissance mais il va s’éparpiller, et beaucoup ne seront même pas commencées, d’autres non terminées.
Le tombeau du Pape Jules II (l’homme qui a probablement donné les œuvres les plus merveilleuses au Vatican avec la reconstruction de la basilique St Pierre ou la décoration de la chapelle Sixtine par Michel-Ange) à Rome devait être une œuvre d’art totale. Comme souvent avec Michel-Ange, l’œuvre ne fut jamais terminée volontairement ou non. Reste cet extraordinaire colosse de Moïse (6) à la barbe légère et les esclaves (4) que Michel-Ange n’a pas libéré de la pierre. Ils sont éparpillés entre le Louvre (on en trouve deux), l’Accademia à Florence (qui en compte quatre) et le Palazzo Vecchio (un), le tombeau est à la basilique Saint Pierre aux Liens (San Pietro in Vincoli) à Rome.
Michel-Ange reste connu pour sa décoration de la voute céleste de la chapelle Sixtine (5 millions de visiteurs par an).
Michel-Ange n’est pas un peintre mais le Pape Jules II l’appelle en 1508, pour embellir encore la Chapelle Sixtine (3) qui brille déjà avec les fresques de Botticelli, du Pérugin et de Ghirlandaio. Michel-Ange embauche bien quelques peintres florentins pour l’aider mais rien ne le satisfait et un matin il détruit tout et refuse de leur ouvrir la chapelle ! Il sera seul face au 540m² de voûte à 20 mètres au-dessus du sol ! Son ambition est de dessiner la création de l’homme. Tout est nouveau, la fresque sort des cadres, le monumental est en mouvement, l’humain prend vie, l’utilisation de la couleur est révolutionnaire, elle met en valeur le volume, le modelé, un travail de sculpteur.
En 1520, il entame ce qui doit être sa chapelle sixtine de marbre pour les tombeaux des Médicis à Florence (2). Proportions parfaites, blanc dominateur, éclat du marbre des sculptures. Il règne un sentiment de sérénité, de pureté et son œuvre ici est une allégorie de la fuite du temps mais comment sculpter le temps ?
J’essaie d’y répondre dans mon guide de Florence ici.
Que de merveilles à voir encore aujourd’hui !
Michel-Ange à Florence


La visite débute à la Galerie de l’Académie, où trône le mythique David (1504), symbole de la République florentine. Autour, les puissants Prisonniers, figures inachevées aux corps luttant pour s’extirper du marbre, étaient à l’origine destinés au tombeau du pape Jules II, projet titanesque jamais achevé. Notez qu’il est indispensable de réserver (parfois longtemps) à l’avance pour éviter les très très longues files d’attente, bien que cela n'élimine pas complètement ce temps d'attente.
Sur la Piazza della Signoria, une copie du David rappelle l’emplacement original de la statue. Mais le véritable trésor se trouve à l’intérieur du Palazzo Vecchio : le saisissant Genio della Vittoria (Génie de la Victoire), un jeune homme triomphant écrasant un corps vaincu, symbole de force, de tension et de domination maîtrisée du pur Michel-Ange.
La Galerie des Offices conserve le Tondo Doni, unique peinture de chevalet de Michel-Ange, où la Sainte Famille rayonne dans un style sculptural et dynamique. Là aussi, réservation indispensable pour admirer les chefs d’œuvres des Offices.
Le musée du Bargello expose plusieurs chefs-d'œuvre : le Bacchus, œuvre de jeunesse, le Brutus, rare buste politique, et le Tondo Pitti, peu encore mis en valeur mais le Bargello entame sa mue.
Mais c’est à la Sagrestia Nuova, dans la basilique San Lorenzo, que Michel-Ange touche au sublime. Ici, tout est de sa main : architecture, sculpture, vision. Les tombeaux des Médicis deviennent théâtre cosmique. Les figures du Jour et de la Nuit, de l’Aurore et du Crépuscule, ne sont pas de simples allégories : elles incarnent le passage du temps, la fatigue du pouvoir, la beauté accablée. Chaque geste, chaque pli de marbre, respire une tension dramatique presque divine. C’est là que Michel-Ange ne sculpte plus des corps, mais l’âme même du monde.
Enfin, pour les aficionados, la plus confidentielle Casa Buonarroti, ancienne demeure familiale, dévoile quelques créations de jeunesse.

