L'élégance par Sandro Botticelli
Qu’elle soit Pallas, Grâce, Venus, Madone ou Flore, Botticelli nous dessine sa femme idéale de la Renaissance : les cheveux tressés, le corps longiligne, les yeux clairs, le teint pâle (tableau 5). Cet idéal ne ressemble en rien à une femme latine. Ce modèle porte un nom, en la personne de Simonetta Vespucci (1453-1476). La muse de Botticelli meurt de maladie à l’âge de 23 ans, il n’aura eu finalement que quelques mois pour croquer cette femme sous toutes les coutures. Ses dessins et croquis seront utilisés et combinés, par son atelier, pour former de nouvelles compositions.
Ce visage on le retrouve dans son célèbre tableau de la Naissance de Vénus (3) exécuté pour la famille Médicis. Un tableau sur le thème de la mythologie, très à la mode, léger et d’une certaine fraîcheur pour aller dans l’une des villas de campagne des Médicis.
Sandro Botticelli est à la tête, dès 1470, d’un atelier particulièrement prolifique à Florence qui a produit des centaines de tableaux pendant une quarantaine d’années. Il est l’élève du sulfureux moine Filippo Lippi, l’artiste des Madones (vierge à l’enfant) puis de l’atelier de Verrocchio où ses élèves fourmillent d’idées, avec le jeune Léonard de Vinci. Il apprend notamment la perspective et s’ouvre sur les savoirs de l’Antiquité. La marque de Botticelli demeure ses chevelures sophistiquées avec des nattes incroyablement graphiques. On s’attarde sur le détail d’une robe, on porte son attention sur un bijou, une perle, une fleur, on suit le trait d’un rayon d’or, autant de détails qui illuminent le tableau.
Botticelli produit des images de dévotion privée et des portraits, beaucoup en format tondo (tableau rond) très à la mode. Les premières années sont d’abord une œuvre religieuse dont le summum sera atteint en 1481 avec la Madonna del Magnificat (2) avec l’utilisation d’une quantité d’or jamais atteint ! Vêtements, rayons divins, couronne de Marie, cheveux des anges, tout est en or. Il existe six répliques, copies ou variantes connues de ce précieux tableaux, c’est dire son succès à l’époque.
Ce début des années 1480 voient l’accomplissement de Botticelli, comme un maître de l’art à Florence. A ce titre, il sera mis à disposition du Pape pour la décoration de la nouvelle chapelle Sixtine. Lorsqu’il revient à Florence, débute alors sa période la plus célèbre, ses œuvres profanes, les grandes scènes mythologiques, un art résolument moderne (tableaux 3 et 6).
A partir des années 1490, l’art de Botticelli change radicalement à l’image de Florence avec l’arrivée de Savonarole. Son œuvre devient essentiellement religieuse. Ces tableaux deviennent dramatiques, sombres, voir tragiques. Dès 1500, Botticelli, sénile, devient presqu’inactif, il meurt à Florence en 1510.
C’est donc une Annonciation différente (1) notamment de celle que vous pouvez voir, dans la même pièce des Offices, de Botticelli (elle date de 1481 en pleine gloire de l’artiste). Pour le Cestello, Botticelli a voulu un tableau plus intime, un rendez-vous entre son commanditaire et cette scène biblique mais aussi pour nous faire part de ses doutes…
La Calomnie d'Apelle (4) exécutée entre 1490 et 1495, en pleine période chaotique à Florence. Dans un décor somptueux, le roi Midas avec ses oreilles d'âne est dans le rôle du juge assis sur son trône, conseillé par l’ignorance et la suspicion. La calomnie est sous les traits d’une belle femme au visage sévère. Elle est coiffée par la traitrise et la tromperie. La calomnie est guidée (observez la main sur son poignet) par la rancœur à la capuche et au bras tendu, elle traine l’homme nu calomnié, impuissant au sol. La vieille femme à gauche sous de sombres vêtements est le remord. Enfin, le tableau se ferme par la vérité, désolée, les yeux tournés vers le ciel, comme pour indiquer la seule vraie source de justice. Qui est l’homme calomnié ? Botticelli ? le nouveau maître de Florence, Savonarole ? Les experts en débattent encore.
